Le décompte était lancé.
À peine l'alerte donnée, Aurélien entra dans un état de concentration absolue. Les systèmes de l'atelier passèrent en mode d'évacuation prioritaire, tandis que les droïdes recevaient de nouvelles instructions, plus claires, plus impératives.
Objectif : extraction complète des ressources critiques.Délai : quatre heures.Condition : aucun civil n'est admis sans allégeance à l'autorité centrale.
Dans les rues, les B1 avançaient en escouades, tenant leurs Blaster E-5 fermement. À chaque porte, ils cognaient fort, tranchants comme le métal qu'ils étaient :
« Citoyen, ceci est une directive d'urgence. Une horde de morts-vivants approche. Évacuation en cours sous quatre heures. Rejoindre le convoi implique l'acceptation des ordres du Commandant Aurélien. Obéissance = survie. Désobéissance = exclusion. »
Certains hésitaient. Une vieille femme tenta de supplier pour emmener ses antiquitées. Un père voulait négocier pour garder ses armes. Les droïdes répondaient mécaniquement :
« Aucun marchandage. Vous obéissez ou vous restez. Choisissez. »
Les portails s'ouvraient. Lentement d'abord, puis à mesure que les familles comprenaient l'urgence, de plus en plus vite. Le nom d'Aurélien se murmurait avec crainte et espoir. Il n'était plus un voisin étrange. Il devenait l'autorité incarnée. Bien sûr, certains restèrent obstinément chez eux.
Pendant ce temps, l'atelier devenait un cœur de logistique infernal.
Les unités droïdes démontaient les panneaux solaires, déconnectaient les batteries longue durée, rassemblaient les outils de précision, les systèmes informatiques, les armes prototypes.
Le poste de commandement mobile — une ancienne camionnette blindée et transformée par Aurélien — fut activé, alimenté par trois générateurs. Il serait l'organe de contrôle sur la route.
Aurélien, debout à côté de Saeko, donnait ses ordres sans lever la voix, sa tablette reliée à tous les droïdes.
'' Priorité aux ressources stratégiques : énergie, armement, composants électronique. Les civils embarquent sous escorte. Les unité BX en position de d'arrière-garde. Aucune perte tolérée. Ceux qui refusent l'ordre resteront. Nous ne reviendrons pas.''
Dans l'œil de Saeko, il n'y avait plus d'hésitation. Ce n'était plus un monde pour les hésitants.
À H-0:50, le quartier entier vrombissait de moteurs. Les camions, les drones, et les B1 armés encadraient les civils en formation serrée.
H-0:15. Une silhouette apparut à l'horizon. L'avant-garde de la horde.
Des corps décharnés, des râles sinistres, des silhouettes sans fin. Ils arrivaient.
Mais déjà, les moteurs rugissaient. Le convoi s'élança, méthodique et blindé.
À l'arrière, les droïdes BX postés sur les toits déclenchèrent brièvement une salve de couverture, retardant l'avancée des infectés de quelques précieuses minutes.
Le quartier fut abandonné sans un regard.
Les civiles et les droïdes montèrent a bord des véhicules, le camion d'aurélien prenant la tête du convoi.
Quatre heures.
C'est le temps qu'il faudrait au convoi pour quitter la ville et atteindre la zone sécurisée autour du manoir Takagi.
À bord du poste de commandement mobile, Aurélien ne se détendit pas. Il ne regardait pas la route, il étudiait les chiffres.
Les interfaces holographiques affichaient en temps réel les données transmises par les droïdes. Évaluant les aptitudes des gens recueilli, il y avait :
63 adultes valides, dont 3 avec expérience militaire ou paramilitaire.
17 enfants, trop jeunes pour comprendre ce qui se jouait.
9 personnes âgées, dont deux gravement malades.
Aucun infecté détecté.
Sur trois quartiers visités, seuls 93 survivants avaient accepté l'autorité d'Aurélien et embarqué.
''Moins de cent… sur 300 survivants ont accepter de me suivre.''
Il inspira profondément. C'était une réussite stratégique… mais un échec humain.Saeko, assise en silence à côté de lui, lisait les visages à travers les caméras embarquées. Des regards vides, des pleurs silencieux, des survivants obéissants mais brisés.
''Tu as fait ce que tu devais », dit-elle simplement.'' Non. J'ai fait ce que je pouvais.'' rétorqua-t-il.
Il nota également les pertes matérielles : 86 % des ressources critiques récupérées, aucune unité droïde manquante, et zéro perte humaine pendant l'évacuation. C'était remarquable. Mais ce n'était que le premier acte.
Alors que le manoir Takagi apparaissait enfin à l'horizon, sur une colline fortifiée, Aurélien éteignit son écran. Il savait que la suite serait encore plus compliquée : négocier avec un pouvoir établi, protéger des civils fragiles, et se préparer contre la horde.
Le convoi s'immobilisa à un peu plus d'un kilomètre du domaine Takagi.
Devant eux, une barricade grossière, constituée de blocs de béton routiers empilés, barrait l'unique accès. Il ne s'agissait pas d'un mur fortifié, mais d'un obstacle routier, suffisamment solide pour arrêter des véhicules — pas une armée.
Aurélien observa l'installation.
''Défense minimale. Probablement pour ralentir les pillards, pas pour stopper une force organisée… '' pensa-t-il.
Il fit signe.
Les 90 droïdes B1 descendirent des camions et se déployèrent avec une précision militaire. Trois lignes, parfaitement droites, comme une démonstration de puissance silencieuse. Leurs blasters E-5 brillants sous la lumière matinale.
Il regarda sa compagne ''Je te confie ma mère.'' Saeko hocha la tête en affirmation.
Puis, Aurélien s'avança.
Escorté par deux unité BX, son manteau rouge claquant légèrement dans la brise, sa canne-épée dans la main droite, il semblait à la fois noble, dangereux et déterminé.
Les projecteurs du domaine pivotaient sur lui. Des soldats armés prenaient position derrière la barricade, visiblement surpris par ce déploiement. Ce n'était pas une bande de réfugiés qui approchait… c'était une colonne organisée.
Aurélien s'arrêta à quelques mètres des blocs de béton, à distance audible, mais sans provocation. Sa voix porta, claire et calme : ''Je suis Aurélien, chef de ce convoi. Nous ne sommes pas ici pour envahir, ni pour quémander. Je viens établir un partenariat durable, fondé sur l'échange de ressources, de compétences et de protection mutuelle. Les survivants que je transporte sont prêts à contribuer. Mes droïdes sont disciplinés. Je suis ouvert à la discussion, la négociation, et à une coopération sincère. Mais je ne parlemente pas à travers des blocs de béton. Si le domaine Takagi est prêt à écouter, alors nous prospérons tous.'
Les BX restèrent impassibles, parfaits gardes du corps. Derrière, les droïdes B1 restaient figés, une armée silencieuse. Et dans les camions, les survivants attendaient, fatigués mais pleins d'espoir.
Aurélien fit un pas de plus. '' Ouvrez cette barricade. Nous n'avons aucun intérêt au conflit.Mais nous avons, ensemble, une chance de bâtir quelque chose de plus grand.''
Le vent soulevait à peine la poussière entre eux. La balle était dans le camp du domaine Takagi.
L'un des gardes en poste s'avança légèrement, son fusil toujours baissé. Il scruta Aurélien, ses droïdes et la colonne de véhicules avec une tension visible, mais sans hostilité. Il leva une main, paume ouverte en signe de non-agression, et parla d'une voix forte mais respectueuse : ''Attendez ici, s'il vous plaît. Je vais prévenir le chef Takagi de votre arrivée. Il décidera s'il souhaite vous rencontrer.''
Aurélien acquiesça d'un simple mouvement de tête. Il se tenait droit, impassible, tandis que le garde disparaissait derrière les blocs de béton. Autour de lui, les B1 restaient figés, silhouettes métalliques impeccablement alignées. Le silence régnait, ponctué seulement par le vent qui sifflait doucement entre les véhicules du convoi.
Aurélien savait : la première impression était posée. Le reste dépendrait maintenant de la réponse du maître des lieux.
Quelques minutes plus tard, un mouvement attira l'attention derrière les blocs de béton. Une silhouette imposante apparut, droite comme un chêne, suivie d'un petit groupe d'hommes armés. Soichiro Takagi, maître du domaine, marchait d'un pas assuré, le visage dur, les traits tirés par la vigilance.
À ses côtés, sa femme Yuriko, vêtue avec élégance malgré les circonstances, observait Aurélien et ses droïdes avec un calme souverain. Derrière eux, plusieurs membres de leur entourage, des gardes en uniforme et ses proches collaborateur, formaient un demi-cercle protecteur.
L'autorité naturelle de Soichiro était indiscutable, mais il ne dégainait pas de méfiance immédiate. Il s'arrêta à quelques mètres d'Aurélien, observa brièvement les droïdes alignés, puis croisa les bras. ''On m'a dit qu'un convoi escorté par une armée de métal venait proposer un partenariat. Je suppose que c'est vous, Aurélien.''
Aurélien s'inclina légèrement, gardant sa canne-épée à la main, ses droïdes immobiles en arrière-plan. ''Je viens en effet proposer une collaboration. J'ai avec moi une centaine de civils, des ressources, et une capacité militaire naissante. Je ne cherche pas le conflit, mais la coopération. Je suis ouvert à la discussion.''
Soichiro échangea un regard avec sa femme. Yuriko acquiesça doucement.
''Alors, venez. Nous allons discuter.''
Un garde leva le poing, puis tapa deux fois contre un boîtier métallique fixé à un pylône en béton. Un déclic sourd se fit entendre, suivi d'un bourdonnement grave : le monte-charge, dissimulé sous l'un des blocs massifs de la barricade, se mit en mouvement. Lentement, très lentement, l'un des blocs s'éleva du sol, dévoilant un passage assez large pour 4 personnes puisse passer en même temps.
Soichiro fit un signe de la main. ''Toi et deux gardes. Le reste attend dehors.''
Aurélien ne répondit pas. Il se contenta d'un hochement de tête, puis se tourna vers les BX. ''Formation rapprochée. Surveillance passive. Pas de mouvement sans mon ordre.''
Il franchit la barricade le premier, sa canne-épée résonnant contre le béton. Le bloc de béton redescendit derrière eux, verrouillant le passage dans un bruit définitif.
De l'autre côté, une escouade les attendait, armes abaissées mais prêtes. Soichiro fit un signe rassurant à ses hommes. '' Tant que nous parlons, personne ne tire.''
Yuriko, toujours aussi calme, s'avança légèrement.''Vous comprenez que nous ne pouvons pas vous faire entrer tous sans parler. Ce n'est pas une question de méfiance. C'est une question de survie.''
''Je n'attendais rien d'autre, répondit Aurélien. Si vous aviez ouvert sans condition, je me serais inquiété de votre jugement.''
Cela tira un léger sourire à Yuriko. Soichiro, lui, resta de marbre.
Le groupe marcha en silence vers le manoir, s'évaluant l'un l'autre.
Enfin, ils atteignirent une salle de conférence sobre, équipée d'une longue table, de cartes détaillées de la région, et d'un unique plateau de thé.
Soichiro prit place à la tête de la table. Il fit signe à Aurélien de s'asseoir. '' Vous avez votre chance, comme convenu. Montrez-moi pourquoi je devrais ouvrir mes portes. Qu'avez-vous à offrir que nous n'avons pas déjà ?'' demanda le quadragénaire.
Aurélien posa lentement sa canne-épée contre le dossier de la chaise, s'installa, puis alluma sa tablette. Un hologramme jaillit au-dessus de la table : une carte en relief de la ville, des mouvements de la horde, des trajectoires de migration, et une simulation tactique des prochaines 72 heures. Le groupe Takagi était impressionner par cette technologie.
''Ce que j'ai, dit calmement le jeune homme, c'est une perspective. Vous avez ici un bastion. Moi, j'ai une armée. Ensemble, nous pouvons faire plus que survivre. Nous pouvons reprendre l'initiative.''
Les cartes projetées au-dessus de la table formaient un ballet silencieux de points lumineux. Zones de danger. Trajectoires d'infection. Itinéraires de repli. Aurélien les commentait avec une froide clarté.
'' D'ici trois jours, cette horde aura balayé tout l'ouest de la ville. Si vous ne renforcez pas vos défenses extérieures et vos points d'approvisionnement, vous serez encerclés. Et isolés.''
Il fit apparaître un schéma animé du domaine Takagi.
'' Vous avez de hauts murs, une discipline militaire, une source d'eau. Mais pas assez de mobilité. Pas de moyens de récupération. Pas d'armée de réserve. Aucune chaîne de production. Ce que j'apporte, c'est le pouvoir militaire et une logistique imparable ''
Il désigna plusieurs icônes bleues : ses droïdes.
''J'ai 90 unités B1 en état opérationnel. 6 unités BX. Je peut mettre en place une nouvelle chaine de production d'unité de droïde en moins de 24 heures.''
Soichiro fronça les sourcils. ''Et ces civils que vous transportez ? Ce sont des bouches à nourrir.''
Aurélien rétorqua. ''Pas seulement. Parmi eux, trois anciens militaires, six techniciens qualifiés, deux médecins. Et surtout, une population déjà sous contrôle. Ils me suivent. Pas par peur, mais parce que j'ai su donner un cap. Je ne vous demande pas de les accueillir : je propose qu'on les transforme ensemble en force utile.''
Yuriko prit la parole, sa voix posée. ''Et si nous disons non ? Si nous vous remercions et vous demandons de repartir avec vos droïdes ?''
Aurélien répondit sans hausser le ton. ''Alors vous survivrez… peut-être. Mais seuls. Quand l'hiver viendra ou quand la seconde horde surgira — parce qu'elle surgira — vous n'aurez plus personne à qui demander de l'aide. Moi, je prépare l'après. Un nouvel État. Des routes sûres. Des échanges commerciaux. De la stabilité.''
Il se pencha légèrement vers Soichiro.'' Vous avez le bastion. J'ai le vecteur d'expansion. Ensemble, nous posons la première pierre d'un nouveau monde.''
Soichiro resta silencieux. Il observait Aurélien comme on jauge un sabre tiré trop tôt : tranchant, mais peut-être nécessaire. Enfin, il hocha lentement la tête.
''Vous êtes un stratège. Peut-être un tyran aussi. Mais je ne peux pas nier que vous voyez plus loin que la plupart. Je vais réunir mon conseil. Donnez-nous deux heures...
Aurélien s'inclina légèrement. ''Je vous les donne. Mais la horde, elle, n'attendra pas.''
Yuriko Takagi s'attarda, alors que les membres du conseil du domaine commençaient à se disperser pour laisser place à des discussions internes. Contrairement aux autres, elle n'était pas pressée. Son regard restait posé sur Aurélien avec une attention presque analytique — ni crainte, ni mépris, mais un intérêt sincère.
Elle s'approcha lentement, les mains croisées dans le dos, élégante malgré la tension ambiante.
'' Une dernière question, Aurélien, dit-elle posément. Vos droïdes… Ils sont bien au-delà de ce que l'on pourrait attendre d'un groupe de survivants. On dirait de véritables robots sortis d'un film. Où avez-vous pu… obtenir cela ''
Aurélien ne montra rien de sa gêne, mais son esprit se raidit instantanément. Il savait que cette question viendrait tôt ou tard. Il afficha un sourire calme, presque désinvolte.
''Disons… que j'étais un étudiant très curieux avant la chute. Ingénierie, programmation, électronique. Je bricolais déjà bien avant que tout parte en vrille.''
Il haussa légèrement les épaules, comme s'il minimisait l'ampleur de ce qu'il avait accompli.
''Quand le monde s'est effondré, j'avais du matériel, des projets à moitié terminés… j'ai juste eu plus de temps pour les finaliser. Et personne pour me dire que c'était impossible.'''
Yuriko plissa les yeux, peu convaincue par la simplicité de la réponse.
''Un étudiant ? Et vous avez conçu des droïdes de combat parfaitement fonctionnels, organisés en escouades, obéissants à la voix, capables de manœuvres tactiques… Vous êtes soit un génie, soit un menteur, Aurélien.''
Il soutint son regard sans faiblir, mais ses yeux devinrent un peu plus froids.
''Peut-être un peu des deux, madame Takagi. Ou peut-être que j'ai simplement eu… un coup de chance au bon moment. Ce genre de choses arrive quand on survit assez longtemps.''
Elle le fixa encore quelques secondes, puis hocha lentement la tête.
'' Vous ne voulez pas répondre. Je respecte cela. Mais sachez que dans ce monde, les secrets finissent toujours par sortir. Surtout pour ceux qui brillent trop fort.''
'' Possible mais pour l'instant je ne cherche qu'à survivre, et à offrir une chance aux autres de le faire aussi.''
Yuriko recula d'un pas, l'air presque amusée.
''C'est une bonne réponse. Aussi merci pour avoir protéger Saya, peu importe quel décision nous prendrons, Soichiro et moi te seront éternellement reconnaissant pour l'avoir sauvé.''
Sur ces dernier mots, elle se retire pour rejoindre son marie.