Le portail magique s'était refermé dans un éclair de lumière.
Iru s'éveilla dans une clairière silencieuse, le cœur battant, les vêtements en lambeaux, les yeux rougis par les larmes. Il venait de tout perdre. Sa famille. Ses amis. Sa vie.
Mais il n'était pas seul.
Un homme se tenait devant lui. Grand, sec, les traits marqués par le temps. Une cicatrice traversait son visage du front à la joue. Ses cheveux noirs grisonnaient, et ses yeux sombres brillaient d'une dureté mélancolique.
—Tu ressembles trop à ta mère…, murmura-t-il. Je suis Aku. Ton oncle.
Il l'accueillit sans un mot de plus, le conduisit jusqu'à une vieille maison en bois cachée dans la forêt japonaise. Une cabane perdue entre deux mondes, quelque part dans les montagnes reculées du Kansai. Iru resta silencieux, encore secoué par le deuil.
Ce n'est que trois jours plus tard qu'il brisa enfin le silence.
— Entraîne-moi.
Aku releva lentement la tête. Il s'attendait à cette demande.
— Non.
Iru serra les poings.
— Je dois devenir Exorciste. Je dois les venger.
Aku s'avança, et d'un ton dur :
— Tu crois que je vais t'envoyer à la mort comme ta mère ? Tu ne sais rien de ce monde, gamin. L'Ordre des Exorcistes n'est pas une école de justice. C'est un champ de guerre. Et la guerre te détruit.
— J'ai déjà tout perdu.
Aku détourna le regard. Son cœur se serra. Il voyait en Iru le reflet de sa sœur, sa détermination, sa souffrance.
— Je suis à la retraite. Une vieille blessure m'a rendu presque inutile. Je n'ai plus la force d'entraîner qui que ce soit.
Mais Iru ne céda pas. Chaque jour, il s'entraîna seul. Il frappait les arbres, courait jusqu'à s'effondrer, répétait les gestes qu'il avait vus chez sa mère et chez d'autres. Malgré la douleur. Malgré l'épuisement.
Une semaine passa. Aku le regardait depuis l'ombre.
— Il ne sait pas se battre, pensa-t-il. Pas même un bon réflexe. Une force brute, oui. Mais aucune technique. Il est lent. Déséquilibré. Inexpérimenté.
Un soir, il le vit s'effondrer après une séance. Écorché, trempé de sueur, mais toujours debout. Iru ne pleurait plus. Il hurlait en silence.
Aku serra les dents. Ce garçon n'était peut-être pas fait pour devenir Exorciste… mais il portait en lui un feu que la douleur n'éteignait pas.
Il soupira longuement, et lança :
— Demain matin. À l'aube. Si tu tiens encore debout, je t'entraînerai.
Iru releva les yeux, surpris.
— Merci, oncle…
— Mais si tu échoues, tu oublieras cette idée. Tu vivras comme un homme. Pas comme une arme.
Le lendemain, l'entraînement officiel commença.
Et ce fut l'enfer.
Aku, ancien Capitaine de l'Ordre, n'épargna rien. Esquives, contre-attaques, endurance, éveil spirituel, tout y passa. Il voulait forger un guerrier, ou briser l'illusion.
Mais une semaine plus tard, une vérité cruelle s'imposa : Iru n'avait aucun sens du combat.
Il ratait ses attaques, tombait à chaque exercice, peinait à maintenir son aura stable. Il avait la volonté, mais pas le talent.
Aku, le visage durci par la déception, se demanda :
Dois-je le laisser continuer ? Ou lui faire comprendre qu'il n'a aucune chance ?
À ce moment-là, il ne savait pas encore que le pouvoir d'Iru… ne demandait qu'à s'éveiller dans les flammes du désespoir.
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Le lendemain, Iru s'écroula pendant l'échauffement, plus épuisé que jamais. C'est alors qu'Aku sentit une aura maléfique. Un démon approchait.
Et une seconde plus tard, il surgit des arbres et fondit droit sur Iru.
Aku s'interposa immédiatement, prenant l'attaque de plein fouet. Il vola dans les airs, mais se releva malgré la douleur et contra l'ennemi.
— Iru ! Fuis ! Je vais le distraire !
Mais une seconde attaque faucha Aku. Cette fois, la blessure était critique. Il ne pouvait plus se relever.
Iru, pétrifié, tentait de se battre. Mais il fut vaincu en un instant. Son corps roula au sol. Le démon approchait pour l'achever.
— Cours, Iru ! hurla Aku. Tu dois vivre !
Mais Iru ne bougeait pas. Il était figé. Terrifié. Jusqu'à ce qu'Aku saisisse une pierre et la projette de toutes ses forces sur le démon.
— Tu es trop jeune pour mourir !
Iru se revit, enfant. Sa mère le regardait avec douceur, ensanglantée mais encore vivante.
« Vis, Iru. Tu dois vivre. »
Quelque chose se brisa. Ou peut-être… quelque chose s'éveilla.
Son sang se mit à bouillir. Son corps brûla d'une chaleur noire. Ses cheveux se teignirent d'un rouge sanglant, ses yeux devinrent luisants comme ceux d'un prédateur.
L'aura démoniaque explosa autour de lui.Le démon recula. Terrorisé.Ce n'était plus une proie.C'était une entité supérieure.
Iru disparut, et en un battement de cœur, la tête du démon tomba.
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À bout de force, Iru porta son oncle jusqu'à l'hôpital de la ville la plus proche. Une clinique discrète, perdue dans les rues calmes d'une petite bourgade japonaise.
Les médecins dirent que Aku s'en sortirait.À son chevet, Aku baissa les yeux.
— Merci de m'avoir sauvé. Même si j'aurais préféré que ce soit moi qui te protège.
Puis il regarda Iru.
— Cette épée… D'où vient-elle ?
Iru lui raconta tout. Le monde démoniaque. Le tournoi. L'épée. Sa fuite.
Aku était choqué.
— L'Épée du Premier Roi Démon… Elle a disparu depuis deux siècles.
Il resta silencieux un moment.
— Très bien. Tu veux devenir Exorciste ? Je te formerai pendant six ans. Jusqu'à ce que tu puisses entrer à l'Académie.
— Six ans ?!
— On ne peut s'inscrire qu'à dix-sept ans. Règle de l'Ordre. Et tu as du travail.
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Les jours passèrent. Aku, sorti de l'hôpital, reprit l'entraînement.
Iru avait changé.
Il était plus rapide. Plus fort. Plus stable. Aku remarqua aussi une vérité troublante : son neveu avait non pas une magie, mais deux.
Le feu.
Et les ténèbres.
Un pouvoir redoutable. Unique. Et surtout… encore en croissance.
Ce jour-là, l'entraînement commença pour de bon.
Six ans plus tard, le jour de l'inscription arriva.
Iru avait changé. Son corps était taillé par l'effort. Son regard, affûté par les épreuves. Il marchait droit, ses pouvoirs désormais maîtrisés.
Le monde des Exorcistes n'était pas prêt.
Mais lui… l'était.